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Les vestiges d’une cité antique oubliée depuis 1300 ans refont surface en Ethiopie

Géo.fr – 11 décembre 2019

En Ethiopie, des archéologues ont mis au jour les vestiges d’une cité nommée Beta Samati qui aurait autrefois constitué un centre important du royaume d’Aksoum. Parmi les débris, ils ont identifié les restes d’une basilique qui apporte un nouvel éclairage sur l’arrivée du Christianisme en Afrique.

Les vestiges de la cité antique de Beta Samati ont été découverts dans une colline au nord de l'Ethiopie
Les vestiges de la cité antique de Beta Samati ont été découverts dans une colline au nord de l’Ethiopie

Dans les plateaux poussiéreux du nord de l’Ethiopie, une cité antique oubliée depuis plus de 1.000 ans vient de refaire surface. Et elle a révélé des vestiges d’une importance cruciale pour les archéologues. La cité est en effet le fruit d’une des civilisations antiques les plus influentes d’Afrique, celle de l’empire d’Aksoum. Influentes mais aussi énigmatiques.
On sait aujourd’hui que le royaume d’Aksoum a dominé l’est de l’Afrique et l’ouest de l’Arabie de 80 avant J.-C à 825 après J.-C et qu’il constituait l’une des principales puissances de l’époque. Grâce à sa position à proximité de la mer Rouge et de la route commerciale vers l’Inde, l’empire entretenait des relations commerciales étroites avec d’autres puissances y compris Rome.

Pourtant, cette civilisation demeure aujourd’hui très peu documentée. « Les gens connaissent largement l’Egypte antique, la Grèce antique et la Rome antique… mais ils ne savent pas que la civilisation aksoumite a été l’une des civilisations les plus puissantes au monde et l’une des plus précoces », a expliqué à LiveScience, Michael Harrower, archéologue de la Johns Hopkins University de Baltimore.

Le problème est que les fouilles archéologiques sont restées relativement sporadiques depuis le XXe siècle, notamment en raison de l’instabilité politique du pays. Si de nombreux vestiges, dont un site d’obélisques, ont pu être mis au jour à proximité d’Aksoum, l’ancienne capitale du royaume, peu de recherches ont ainsi été menées dans le reste de la région.

De nombreux vestiges de l'empire aksoumite demeurent à proximité de son ancienne capitale, Aksoum.
De nombreux vestiges de l’empire aksoumite demeurent à proximité de son ancienne capitale, Aksoum.

Une cité cachée dans une colline

C’est pour combler ce manque que Michael Harrower et ses collègues ont lancé de nouvelles fouilles en 2009 dans la région de Yéha, à une cinquantaine de kilomètres d’Aksoum. Après s’être entretenus avec des locaux, ils ont plus précisément ciblé leurs efforts sur une colline à proximité d’un village. Elle s’est finalement révélée être ce que les archéologues appellent un tell, un monticule créé par des ruines.

En excavant le site, l’équipe est en effet tombé sur un réseau de murs en pierre et a constaté qu’elle ne faisait pas face à quelques bâtiments isolés mais à une véritable cité probablement étendue sur les 14 hectares de la colline. Les chercheurs ont choisi de la nommer Beta Samati, qui signifie « foyer d’audience » en tigrigna, la langue locale. Car cette cité revêtait visiblement une grande importance pour le royaume, selon l’étude publiée dans la revue Antiquity.

Les datations menées suggèrent que le site aurait été occupé durant pas moins de 1.400 ans, entre 750 avant J.-C et 650 après J.-C. Cela signifie que Beta Samati existait déjà durant la période dite pré-aksoumite et qu’elle serait restée occupée pendant l’essor du royaume jusqu’à son mystérieux déclin. Une découverte clé pour combler les zones d’ombre de l’histoire de l’empire d’Aksoum.

Pour Michael Harrower et ses collègues, ces conclusions impliquent en effet que les villages pré-aksoumites n’ont pas été abandonnés lorsque le royaume s’est développé et que ce dernier n’aurait donc pas entraîné une forte rupture politique contrairement à ce que les spécialistes avaient suggéré auparavant. A l’inverse, Beta Samati serait resté un centre important de l’empire, commercial, administratif et religieux.

Une basilique riche en informations

Parmi les décombres, les fouilles ont mis en évidence les vestiges de maisons ou d’ateliers ainsi que de nombreux artéfacts – poterie et pièces de monnaie notamment – témoignant à la fois d’activités domestiques, artisanales et commerciales. Dans une seconde zone, c’est un bâtiment rectangulaire bien plus vaste qui est sorti de terre.

Selon les archéologues, il s’agirait d’une basilique de style romain, qui pourrait avoir été construite pour servir d’église chrétienne. Une hypothèse qui offre un nouvel éclairage sur l’arrivée du christianisme en Afrique. Le royaume d’Aksoum reposait initialement sur une religion polythéiste, jusqu’à ce que le roi Ezana, ne convertisse la région à la religion chrétienne après avoir été converti lui-même par un missionnaire.

C’est du moins ce que la tradition éthiopienne relate mais les historiens ont émis de nombreux doutes quant à la période et à la façon dont le christianisme est apparu en Ethiopie. « C’est ce qui rend la découverte de cette basilique si importante », a précisé Michael Harrower cité par le Smithsonian Mag. « C’est une preuve fiable de la présence chrétienne au nord-est d’Aksoum à une période très précoce ».

L’identification de cet édifice s’est révélée d’autant plus importante que contrairement à d’autres mis au jour auparavant, il n’était pas vide. Les archéologues y ont découvert de nombreux artéfacts qui, en plus de témoigner d’activités commerciales administratives et religieuses, ont laissé transparaître un mélange de culture païenne et chrétienne.

Sur l’inventaire, figurent notamment des figurines de bovins ainsi qu’une bague faite d’or et de cornaline arborant une image de tête de taureau. Des témoignages de croyances plutôt païennes, selon les archéologues. A l’inverse, un pendentif en pierre portant une croix et l’ancien mot éthiopien pour « vénérable » ainsi qu’une inscription sur l’un des murs faisant référence au Christ indiquent des croyances chrétiennes.

Cette bague en or et cornaline découverte à Beta Samati et arborant une tête de taureau
témoigne d'un mélange d'influences romaine et aksoumite.
Cette bague en or et cornaline découverte à Beta Samati et arborant une tête de taureau témoigne d’un mélange d’influences romaine et aksoumite.

De la même façon, les objets de Beta Samati montrent un mélange d’influences locales et étrangères. Le design de la bague, par exemple, se rapproche des techniques romaines tandis que les symboles qui y figurent seraient plutôt d’influence aksoumite. « Ils utilisaient certaines des idées venues de la Méditerranée mais les tournaient d’une façon différente, vers un style africain unique », a détaillé Michael Harrower.

Un aperçu précieux sur une société complexe

Autant de découvertes archéologiques qui semblent confirmer que Beta Samati jouait un rôle crucial dans le royaume d’Aksoum, apportant ainsi un aperçu précieux sur cette société complexe dont le déclin, à partir du IXe siècle, reste mystérieux. « Les fouilles à Beta Samati ont fourni de nouvelles informations importantes sur les société pré-aksoumites et aksoumites », écrivent les auteurs dans leur rapport.

Cependant, « de plus amples recherches sont nécessaires pour révéler l’histoire et les interconnexions complexes du site », poursuivent les archéologues qui prévoient de retourner d’ici peu mener des fouilles à Beta Samati. Ils espèrent également que leurs recherches aideront à faire connaitre la région et encourageront à venir découvrir ses paysages magnifiques et son histoire.

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